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> Faut-il introduire la darija dans la langue officielle du Maroc ?, à vos claviers!!!!
7achoumi_kad_*
posté Jun 22 2010, 08:04 AM
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Article extrait de la vie éco du 21/06/2010

Faut-il introduire la darija dans la langue officielle du Maroc ?



Les Marocains ne maîtrisent plus ni l'arabe classique ni le français, ce au moment où la darija fait une percée remarquable dans le monde de la communication.
Cette situation crée plusieurs problèmes, à la fois dans le domaine de l'éducation mais également dans le monde du travail.
Le compromis serait dans l'adoption d'une langue intermédiaire entre l'arabe classique et la langue parlée.


«La problématique des langues représente le principal obstacle à l'amélioration de la qualité du système éducatif… Décalage persistant entre la langue d'enseignement qui est l'arabe et les langues exigées dans la vie professionnelle… Absence d'une politique linguistique nationale claire, faiblesse de maîtrise des langues, dégradation des compétences en lecture et en écriture de l'arabe et d'autres langues étrangères…». Ces propos ne viennent pas d'un pourfendeur étranger au système d'éducation et de formation marocain, mais bien du Conseil supérieur de l'Enseignement (CSE), organe officiel de l'Etat. Ils avaient été publiés dans son premier rapport sur l'enseignement, il y a deux ans déjà. Entre la date de la production de ce rapport et de celle de l'élaboration en 2000 de la charte d'éducation et de formation, huit ans se sont écoulés. Or, cette feuille de route jamais réalisée sur le devenir de l'enseignement au Maroc mettait le doigt avec force sur cette problématique linguistique en préconisant «un renouveau de l'enseignement de la langue arabe, l'intégration progressive de l'amazighe dans l'école marocaine, la diversification des langues d'enseignement des sciences et technologies et la maîtrise des langues étrangères», et la création d'une académie de la langue arabe. Dix ans après l'entame de la mise en application de cette charte, ce renouveau n'a jamais eu lieu, l'académie en question n'a jamais vu le jour, et les Marocains continuent de pâtir d'une faiblesse linguistique affligeante qui tire le savoir, et donc la recherche et le développement vers la bas. On ne maîtrise plus la langue officielle, l'arabe classique, outil de la transmission du savoir depuis la fameuse arabisation des années 80. Le français, la langue étrangère la plus utilisée dans la vie professionnelle, est en perte de vitesse dans les écoles marocaines, plus particulièrement les écoles publiques. Et on ne maîtrise pas, à fortiori, les autres langues étrangères, comme l'espagnol et l'anglais.

L'entreprise marocaine a de plus en plus de mal à trouver des profils qui maîtrisent une langue étrangère

Un tour du côté des entreprises renseigne sur cette piètre qualité linguistique. «L'entreprise marocaine a de plus en plus de mal à trouver des profils qui maîtrisent une langue étrangère. Pire, on ne maîtrise même plus la langue arabe, qu'on veut utiliser d'ailleurs lors de nos négociations commerciales avec les pays du Golfe», se désole Mounir Farram, qui s'exprimait au nom de la CGEM lors du colloque international au thème révélateur «La langue, les langues» organisé par la Fondation Zakoura pour l'éducation à Casablanca les 11 et 12 juin courant. Même l'arabe classique en fait pose problème. Cette langue arabe littéraire, qui «est la plus détestée des matières par les élèves dans tout le monde arabe», s'insurge Cherif El Shoubashy, spécialiste égyptien de la communication et fervent apôtre de sa rénovation (voir encadré). Résultat : les entrepreneurs marocains, se désole M. Ferram, utilisent ou le français ou l'anglais, lors de ces rencontres avec les entrepreneurs arabes, avec une traduction simultanée, «une vraie frustration que de ne pouvoir communiquer directement en arabe.» La même schizophrénie est vécue par l'entreprise marocaine, dont le français est la langue de travail qui doit s'adapter au code linguistique d'une administration qui ne communique plus qu'en arabe depuis 15 ans. «Quand on reçoit des correspondances en arabe, on les lit en français, si un discours est prononcé en arabe devant la CGEM, il est souvent décrypté en français», se désole M. Ferram. Comble de cette dualité, l'un des ministres de l'actuel gouvernement a dû présenter son plan national de la logistique, devant la CGEM, en arabe classique, avant d'en donner, ensuite, un résumé, en français. Bien entendu, les termes trop techniques, eux, n'ont pas été traduits parce que n'ayant pas d'équivalent en arabe classique.
Dans ce contexte de schizophrénie linguistique, l'arabe littéraire reste en fait indéchiffrable par le commun des mortels dans le Royaume. «L'arabe classique est la seule langue au monde, accuse Chérif Shoubashy, dont la grammaire et la syntaxe n'ont pas évolué d'un iota depuis près de 1 500 ans», et cela au moment où le dialectal, la langue maternelle (avec l'amazighe) de tous les Marocains, connaît une percée remarquable. Et dans tous les domaines. Qualifiée naguère de langue ordurière, celle de la rue (zankaouiya), boudée par les médias et les gardiens du temple, elle est en train de gagner des galons depuis plus d'une dizaine d'années dans le monde de la communication : télévision, radios, internet, musique, chanson, théâtre, cinéma, presse écrite… «Le Roi Hassan II était l'un des premiers à l'avoir compris : quand il voulait passer un message, c'est en dialectal qu'il le faisait. Un grand parolier et artiste, comme Tayeb Laâlej, l'avait compris aussi», martèle Noureddine Ayouch, spécialiste de la communication et président de la Fondation Zakoura pour l'éducation (voir entretien). Exemple parmi tant d'autres, l'essentiel du répertoire discographique marocain est interprété en darija. Phénomène ancien : au temps de l'Andalousie musulmane, les qasaid (poèmes), le zajal et les mouwachahat étaient composés dans cette langue. Le malhoun marocain en a tiré un parti heureux. On n'a qu'à écouter la quasida Homman du défunt Houssein Toulali, Al Harraz, de Thami Harouchi ou encore l'emblématique Chamâ (la bougie) chantées, tour à tour et toujours avec bonheur, aussi bien par le malhoun dans les années 1950, que par Jil Jilala, au début des années 1970, pour s'en convaincre. Et l'on fredonne jusqu'à nos jours l'air de «Aw hdi rassek layfouzou bik al kawman ya flan...» de Houssein Slaoui, vieux de plus de soixante ans.

La darija explose, mais reste ignorée par le Maroc officiel

Il y a problème donc, qui touche l'identité profonde du Marocain : ce dernier ne se reconnaît pas dans sa langue arabe standard, l'arabe classique, il est à l'aise en s'exprimant en dialectal, pourquoi lui imposer la première, dès sa tendre enfance, à l'école primaire ? Car le problème est là : la darija a beau percer le monde de la communication ou celui de la nouvelle scène musicale (des groupes tels que Hoba Hoba Spirit, Barry, Darga, Dayzine, H-Kayne, Fnaïre, Mazagan… ne s'expriment qu'en darija), elle n'en reste pas moins ignorée par le système d'enseignement marocain. Or, cette langue maternelle est intériorisée par l'enfant depuis qu'il est fœtus dans le ventre de sa mère, précise Driss Moussaoui, psychiatre. «Preuves scientifiques à l'appui, le fœtus entend et emmagasine ce qui se dit autour de lui. C'est une personnalité et une intelligence qui se construisent dès cet âge. Le fondement linguistique de l'être humain se construit dès ce moment. Mépriser cette langue maternelle c'est mépriser le fondement même de la personne», martèle t-il. L'introduire comme langue d'apprentissage à l'école ? Pourquoi pas, répond le Dr Moussaoui. Ce n'est plus un choix, pour lui, mais une nécessité pour l'épanouissement de l'apprenant et du futur adulte marocain. Quelques spécialistes en matière de l'éducation et de la formation approuvent cette introduction, mais avec des nuances. C'est l'exemple d'Abderrahmane Rami, ex-directeur du curricula et directeur actuel du Laboratoire international de recherche en éducation et formation (LIREF) qui coupe la poire en deux en jugeant qu'il «ne s'agit pas d'aller vers la darija pure et dure, mais vers une langue arabe simplifiée ouverte sur le dialectal, et ce, dans l'intérêt de l'apprenant».
C'est justement cette langue intermédiaire entre la «fosha» et l'arabe parlé que revendiquent nombre d'intervenants lors du colloque précité. La grande nouveauté de ce dernier a été la participation de quelques spécialistes d'autres langues que l'arabe, comme le grec, l'hébreu et le turc, langues qui ont connu des mutations pour répondre aux besoins des pays où elles sont parlées. Sans cette mutation, l'expérience l'a prouvé, ces pays n'auraient jamais atteint le degré d'alphabétisation et de recherche scientifique qui sont les leurs actuellement. Prenons le cas de la langue turque. Menée d'une façon, autoritaire certes, par Atatürk, sa mutation à partir des années 20 du siècle dernier, la latinisation de sa graphie et son épuration de tout ce qui est arabe et persan, ont été à l'origine de l'extraordinaire «progrès de la littérature dans la Turquie républicaine tout au long du XXe siècle», fait remarquer Emmanuel Szurek, professeur agrégé d'histoire et spécialiste du domaine turc, et l'un des intervenants lors de ce colloque.


«Allogha Al oustaa», ce mix entre arabe classique et dialecte serait-il une bonne solution ?

Finalement, quelle langue utiliser au Maroc, pour acquérir le savoir, parler, lire, écrire, convaincre, commercer et communiquer ? L'arabe classique littéraire, celle du Coran, largement ignorée et très peu utilisée dans la vie courante des Marocains ? La darija, cette langue maternelle, très riche aussi, qui est un mélange d'arabe classique, de dialecte marocain, voire de français et d'espagnol ? Faut-il privilégier l'une et exclure l'autre ? Ou faut-il plutôt les rapprocher ? Et puis, question incontournable : comment concilier le fonctionnement linguistique d'une administration publique basé sur l'arabe classique, et le monde des entreprises privées (et publiques) qui fonctionnent avec le français et l'anglais ? Toutes ces interrogations renvoient à la question : c'est quoi être marocain en ce début du XXIe siècle ? Car la langue finalement n'est que le reflet d'une culture, d'un passé, d'une civilisation, d'un état d'esprit, il est le confluent, a martelé un intervenant lors de ce colloque, de plusieurs identités en même temps : arabe, musulmane, amazighe, subsaharienne, andalouse, voire romaine, et Volubilis est là un témoignage millénaire ineffaçable de l'existence marocaine. C'est la langue qui façonne le devenir d'un pays, récapitule Ruth Grosrichard, professeur de langue et civilisation arabes à sciences po Paris, et membre du comité d'organisation de ce colloque. La question linguistique est au cœur, selon elle, du développement ou du sous-développement. «Le Maroc n'est certes pas riche en ressources naturelles, pas de pétrole à vendre, mais il peut s'inscrire dans la modernité à condition qu'il résolve cette problématique linguistique, clé de la recherche et du développement de l'enseignement.» Comment ? «Il y a ce que les linguistes appellent “allogha al ousta”, une langue intermédiaire entre l'arabe classique et l'arabe parlé, que tout le monde comprend, c'est une piste qu'il faut creuser», préconise R. Grosrichard (voir entretien).

Ce débat sur la langue n'est pas nouveau : au mois d'octobre dernier, le Conseil supérieur de l'enseignement a invité plusieurs spécialistes nationaux pour débattre de ce même handicap qu'est la langue dans l'objectif de lui trouver une solution. Et le conseil avait même promis une feuille de route dans ce sens pour juillet prochain. S'inspirera-t-elle des remarques émises par le colloque de Zakoura ? La balle est dans le camp du ministre Ahmed Akhchichine, également présent au Colloque international de la Fondation Zakoura. A la Vie éco, il a confirmé que des propositions seront en effet incessamment dévoilées, sans vouloir ajouter davantage.

Questions à Noureddine Ayouch, Président de la Fondation Zakoura pour l'éducation et Ruth Grosrichar :Une langue intermédiaire s'est imposée d'elle-même par la force des choses


La Vie éco : Encore un colloque ! Ce n'est pas la première fois que l'on débat de la langue au Maroc.

N.A. et R.G. : Le contexte où s'est déroulé ce colloque est clair et part d'un constat : les Marocains ne maîtrisent actuellement aucune langue, au moment où il y a à peine une génération, l'école publique produisait des bilingues parfaits, en arabe et en français. Menée dans l'improvisation et un esprit plutôt conservateur à partir des années 1980, la politique d'arabisation a détruit ce capital linguistique. Résultat : la maîtrise de ces deux langues va en se dégradant. L'autre constat est l'explosion, sur le champ médiatique, et de la création artistique de la darija, la langue maternelle de tous les Marocains. Hassan II était l'un des premiers à l'avoir compris : quand il voulait passer un message, c'est en dialectal qu'il le faisait. Un grand parolier, comme Tayeb Laâlej, l'avait compris aussi. Face à cela, il faut mettre en lumière le fait que l'arabe classique, une belle langue au demeurant, celle des grands poètes et écrivains, n'a pas évolué, et une bonne partie des Marocains ne l'utilise pas, voire ne la comprend pas.

Et finalement, c'est quoi la solution ?
Nous avons voulu lancer un débat, mener une réflexion sur la problématique de la langue, et tracer «une feuille de route» sous forme de recommandations. Loin de nous l'idée de prendre une position tranchée, ce colloque nous l'avons voulu le plus scientifique possible : poser la problématique linguistique telle qu'elle est vécue au Maroc, en la confrontant avec d'autres expériences dans le monde, méditer les solutions qui ont été apportées à des situations similaires et de sortir avec des recommandations. Il y en a qui prennent sur cette question des positions radicales : les irréductibles de la darija, qui veulent l'ériger en langue d'écriture et de communication, et les puristes de l'arabe littéraire qui aiment tellement cette langue qu'ils ne veulent faire aucune concession. Mais il y a d'autres qui préconisent une modernisation de la langue arabe pour la rendre plus accessible. D'autres encore proposent, pour une meilleure démocratisation de la communication, d'établir un pont entre les deux registres : l'arabe classique et la darja.

Est-ce à dire que l'arabe classique n'est pas une langue d'avenir ?
Au Maroc, comme dans d'autres pays, il y a ce que les linguistes appellent «allogha al oustaa», une langue intermédiaire entre l'arabe classique et l'arabe parlé, que tout le monde comprend, c'est peut-être là une piste pour l'avenir. Dans tous les domaines, au Maroc, il y a une langue médiane, mélange de fosha et de darija. Or, ce que nous constatons aujourd'hui est que, dans la fosha pure, il n'y a pas de trace de la darija, la langue maternelle. On l'enseigne dans les écoles comme une langue tout à fait nouvelle, d'où la difficulté de sa maîtrise par l'immense majorité des élèves. Or, quand un enfant arrive à l'école, il a déjà un acquis, un bagage linguistique maternel (langue parlée) qui a déjà structuré sa pensée. Il se trouve que cet acquis est complètement ignoré à l'école. La question est de savoir s'il faut continuer à enseigner à l'école la fosha pure et dure, ou au contraire réfléchir à la façon d'établir une passerelle entre la langue de tous les jours et celle de l'enseignement. De toute façon, la réalité linguistique s'impose : personne n'a jamais décidé de créer une langue intermédiaire, elle s'est imposée d'elle-même, par la force des choses. Reste à en formaliser l'existence.


Avis de Shérif El Shoubashy, Ecrivain égyptien :Le Coran est sacré, mais pas la langue arabe !

Aussi longtemps que la langue arabe sera considérée comme un sujet par ses locuteurs, tout espoir d'évolution ou de rénovation de notre langue restera un objectif irréalisable. D'aucuns ont en effet une fâcheuse tendance à faire l'amalgame entre l'arabe et la langue du Coran, conférant ainsi une sacralité intouchable à notre langue maternelle.
Pour ma part, je rejette avec force la sanctification de la langue arabe, tout comme je m'oppose à ce qu'elle soit le domaine réservé des oulémas et des linguistes conservateurs. C'est pourquoi j'appelle à une séparation rationnelle entre la langue arabe et le Saint Coran. La langue du Coran n'est-elle pas reconnue par l'ensemble des musulmans comme étant un miracle du Ciel sur le Prophète Mohammed ? N'est-elle pas perçue comme unique et inimitable ? Comment donc oserait-on la comparer à une langue inventée par les bédouins du désert d'Arabie entre les IVe et VIe siècles de notre ère ? A partir de ce principe, je constate que la langue arabe est la seule au monde dont la grammaire et la syntaxe n'ont pas évolué d'un iota depuis près de 1 500 ans. Toutes les langues existantes au VIe siècle, c'est-à-dire celles contemporaines de l'apparition de l'arabe, ont soit complètement disparu en tant que langues vivantes, comme le latin, figure de dinosaure linguistique aux côtés de langues relativement récentes comme le français, l'anglais ou l'espagnol.
Les gardiens du temple de la langue sont fiers de cette longévité qui a battu tous les records, et la considèrent comme une bénédiction divine qui la place au dessus de toutes les autres. La langue arabe est, à leurs yeux, une langue sacrée. Or, il n'existe pas de langue sacrée, tout comme il n'existe pas de peuple élu. A mes yeux, cette longévité est plutôt un signe d'immobilisme. Les générations précédentes n'ont jamais eu le courage de poser la problématique de la langue dans un contexte culturel objectif. Les peuples arabes vivent un état de schizophrénie linguistique internable qui se traduit au niveau des sociétés par un complexe collectif et un déchirement de tous les jours. J'appelle donc à une réforme fondamentale et immédiate de la langue arabe.

(*)Auteur notamment de «Le sabre et la virgule : la langue du Coran est-elle à l'origine du mal arabe ?», édition Archipel 2007.

JAOUAD MDIDECH
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